« J’ai voulu rappeler, malgré la diète de la littérature et parmi le vacarme des criées, mais à la faveur de l’engouement pour les adages qu’excite aujourd’hui la guerre de l’argent que les maximes conservent des droits sur les choses du cœur et de l’esprit.
Lorsqu’on jette un caillou dans l’étang qui sommeille l’eau s’arrondit autour du choc, on voudrait qu’ainsi lancée l’occasion d’une remarque ouvrît de cercle en cercle dans l’esprit du lecteur un concert d’harmonies. »
Cercles d’onde, p. 10
En librairie le 16 juin 2023
ISBN : 979-10-97594-84-8
Format : 14 x 21 cm
Pagination : 240 pages
Prix : 21 €
Roger Judrin, discret par méthode, a laissé à sa mort quelques trésors dans son écritoire constituée comme un balcon au-dessus du monde. On délivre aujourd’hui l’un d’entre eux : mosaïque d’aphorismes portant sur Dieu, l’amour, les écrivains, l’histoire… Ces réflexions lapidaires jaillirent dans un mouvement poétique « à sauts et à gambades », selon les mots (Essais, III, 9) de Montaigne le patron. Après cinquante livres (et mille critiques, par exemple dans la Nouvelle revue française), Roger Judrin, en ses dernières années, à défaut de poursuivre ses promenades sur les allées sablonneuses d’une forêt proche, maintint son goût pour les chemins frayés dans l’intime de la pensée.
Le présent livre est un relevé sismographique de sa réflexion rêveuse. Sans ordre apparent il invite à l’aventure de la spontanéité vers des lieux singuliers, où se réverbère une image cohérente de soi et naît le plaisir littéraire. « La phrase de mon père […] peut choquer dans sa pertinence crue » dit Claudie Judrin, Conservateur en chef honoraire des dessins de Rodin. Mais une cartographie s’organise, qui lie nos connaissances et nos questions en cercles concentriques, comme sont ceux que produit le caillou jeté à l’aplomb de la surface lisse de l’eau. « Lorsqu’on jette un caillou dans l’étang qui sommeille l’eau s’arrondit autour du choc ; on voudrait qu’ainsi lancée l’occasion d’une remarque ouvrît de cercle en cercle dans l’esprit du lecteur un concert d’harmonies. »
Auteur d’une œuvre tissée patiemment au fil d’une vie qu’il qualifie ici de longue, Roger Judrin (1909-2000) a suivi les leçons d’Alain. En 1941 il s’installe à Compiègne, où il vécut jusqu’à sa mort et enseigna les Lettres classiques au lycée. En 1955, il publie aux éditions de Minuit Dépouille d’un serpent puis, chez Gallimard, Calligrammes, La Table ronde, des nouvelles, contes, essais, recueils d’aphorismes, correspondances, un Saint-Simon, des préfaces. L’Académie française lui décerna trois prix, celui de l’essai en 1971, le prix Henri-Mondor en 1980, et le prix d’Académie en 1987 pour l’ensemble de son œuvre.
Ce livre posthume ne paraîtrait pas sans la détermination chaleureuse d’Alfred Eibel, écrivain viennois de Paris, éditeur inclassable, épris de l’intelligence du cinéma – son amitié avec Fritz Lang le résume –, connaisseur hors de pair des auteurs français du XXe siècle. Son travail, d’un ouvrage à l’autre, a visé à élargir les cercles d’onde de notre culture vivante.
Publié avec le concours de Jacques Message.